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Svetlana Aleksandrovna Alexievitch, née le 31 mai 1948 à Stanislav, est une personnalité littéraire et journaliste russophone soviétique biélorusse.

Le 8 octobre 2015, le prix Nobel de littérature lui est attribué pour « son œuvre polyphonique, mémorial de la souffrance et du courage à notre époque », ce qui fait d'elle la première femme de langue russe à recevoir la distinction.

Svetlana Alexievitch naît dans une famille d’enseignants de l'ouest de l'Ukraine, où s'est déroulée une partie de la guerre germano-soviétique. Son père est biélorusse et sa mère ukrainienne. Après la démobilisation de celui-ci en 1950, la famille retourne s'installer en Biélorussie à Mazyr. Sa famille a été fort éprouvée. La mère de son père meurt du typhus alors qu'elle est résistante. Sur trois de ses enfants, deux disparaissent pendant la guerre. Le père de Svetlana revient vivant du front. Le père de sa mère est tué au front. Elle passe toutefois son enfance, avant la démobilisation de son père, dans un village ukrainien de l'oblast de Vinnytsia. Par la suite, durant de nombreuses périodes de vacances, elle retourne en Ukraine, chez sa grand-mère.

En 1965, Svetlana Alexievitch termine l'école moyenne à Kapatkevitchy, dans le raïon de Petrykaw (Voblast de Homiel) en Biélorussie. Inscrite aux komsomols (« jeunesses communistes »), elle entreprend ensuite des études de journalisme à Minsk qu'elle termine en 1972.

Elle travaille d'abord comme éducatrice et comme professeure d'histoire et d'allemand dans une école du raïon de Mazyr, puis comme journaliste pour la revue biélorusse Pravda du Pripiat à Narowlia en Biélorussie, également dans le voblast de Homiel (Gomel en langue russe). Ce voblast est situé dans la région géographique de Polésie, le long de la frontière biélorusse avec l'Ukraine et à proximité de Tchernobyl. Il a été profondément contaminé par la catastrophe nucléaire.

En 1972, elle commence à travailler dans une revue locale à Biaroza dans le voblast de Brest. Entre 1973 et 1976, elle est journaliste auprès de la revue Selskaïa puis, de 1976 à 1984, dirige le département études et publications auprès de la revue des écrivains biélorusses Neman (en russe, « Нёман »).

En 1983, elle entre à l'Union des écrivains soviétiques.

Sa carrière de journaliste la conduit à beaucoup écrire sur des conflits et sur les soubresauts de l'actualité comme la guerre d'Afghanistan, la dislocation de l'URSS ou la catastrophe nucléaire de Tchernobyl.

Au début des années 2000, elle vit en Italie, en France, en Allemagne. En 2013 elle vit de nouveau en Biélorussie.

Le 28 septembre 2020, Alexievich a quitté la Biélorussie pour l'Allemagne, promettant de revenir en fonction des conditions politiques en Biélorussie. Avant son départ, elle était le dernier membre du Conseil de coordination qui n'était pas en exil ou en état d'arrestation.

À la suite de l'invasion russe de l'Ukraine en 2022, elle a déclaré que « fournir un territoire à un pays agresseur n'est rien d'autre que la complicité d'un crime » en relation avec l'implication de la Biélorussie dans l'invasion russe de l'Ukraine en 2022.

Parmi ses maîtres, elle reconnaît l'influence des écrivains biélorusses Alès Adamovitch et Vassil Bykaw.

Les livres de Svetlana Alexievitch ont pour thème central la guerre et ses sédiments. Elle a consacré l'essentiel de son œuvre à transcrire les ères soviétique et post-soviétique dans l'intimité des inconnus qui les ont traversées.

« Très tôt, je me suis intéressée à ceux qui ne sont pas pris en compte par l'Histoire. Ces gens qui se déplacent dans l'obscurité sans laisser de traces et à qui on ne demande rien. Mon père, ma grand-mère m'ont raconté des histoires encore plus bouleversantes que celles que j'ai consignées dans mon livre. Ce fut le choc de mon enfance et mon imagination en a été frappée à jamais. »

— Interview au Figaro, 2013

Elle enregistre sur magnétophone les récits des personnes rencontrées, et collecte ainsi la matière dont elle tire ses livres :

« Je pose des questions non sur le socialisme, mais sur l’amour, la jalousie, l’enfance, la vieillesse. Sur la musique, les danses, les coupes de cheveux. Sur les milliers de détails d’une vie qui a disparu. C’est la seule façon d’insérer la catastrophe dans un cadre familier et d’essayer de raconter quelque chose. De deviner quelque chose… L'Histoire ne s’intéresse qu’aux faits, les émotions, elles, restent toujours en marge. Ce n’est pas l’usage de les laisser entrer dans l’histoire. Moi, je regarde le monde avec les yeux d’une littéraire et non d’une historienne. »

Svetlana Alexievitch a reçu de nombreux prix prestigieux pour son ouvrage La Supplication - Tchernobyl, chronique du monde après l'apocalypse (1997) (dont le prix de la paix Erich-Maria-Remarque en 2001). Traduit dans une vingtaine de langues, ce livre reste cependant toujours interdit en Biélorussie. L'obtention du prix Nobel en octobre 2015 a toutefois donné à l'écrivaine une notoriété qui semble avoir modifié le comportement des instances à propos de cette interdiction.

Elle a aussi écrit La guerre n'a pas un visage de femme (1985), ouvrage retraçant par des entretiens le récit de femmes soldats de l'Armée rouge durant la Seconde Guerre mondiale ; puis Derniers Témoins (1985) recueil de récits de femmes et d'hommes devenus adultes qui, enfants, ont connu la guerre et n'avaient que 4 à 14 ans durant la Grande Guerre patriotique ; Les Cercueils de zinc (1990), qui recueille des témoignages de Soviétiques ayant participé à la guerre soviéto-afghane ; Ensorcelés par la mort, récits (1995), sur les suicides de citoyens russes après la chute du communisme.

En 2013, son livre La Fin de l’homme rouge ou le Temps du désenchantement, qui recueille des centaines de témoignages dans différentes régions de l’espace post-soviétique, remporte le prix Médicis essai et est sacré « meilleur livre de l'année » par le magazine Lire.

À la journaliste Anne Brunswic qui lui demande de comparer son travail à celui de la journaliste assassinée Anna Politkovskaïa, Alexievitch répond que Politovskaiä faisait un travail de journaliste sur la guerre de Tchétchénie notamment, sans chercher à en présenter une leçon de métaphysique mais en présentant les évènements sur lesquels elle a enquêté. C'est un travail extraordinaire, mais Alexievitch considère qu'elle ne fait elle-même du journalisme que pour recueillir les matériaux puis en faire de la littérature. Quant à savoir pourquoi elle n'a pas écrit de livre sur la guerre de Tchétchénie, Alexievitch explique qu'après ses trois premiers livres elle était épuisée, que la catastrophe de Tchernobyl lui a pris onze années de sa vie et que c'était trop.

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