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Bien que se déroulant dans une ville anonyme, Milkman s'inspire de la période des Troubles dans les années soixante-dix, qui ensanglanta la province britannique durant trente années. Dans ce roman écrit à la première personne, une jeune fille, non nommée excepté par le qualificatif de « sœur du milieu » - grande lectrice qui lit en marchant, ce qui attise la méfiance -, fait tout ce qu'elle peut pour empêcher sa mère de découvrir celui qui est son « peut-être-petit-ami » ainsi que pour cacher à tous qu'elle a croisé le chemin de Milkman qui la poursuit de ses assiduités. Mais quand son beau-frère se rend compte avant tout le monde de tous les efforts qu'elle fait et que la rumeur se met à enfler, sœur du milieu devient « intéressante ». C'est bien la dernière chose qu'elle ait jamais désirée. Devenir intéressante c'est attirer les regards, et cela peut être dangereux. Car Milkman est un récit fait de commérages, d'indiscrétions et de cancans, de silence, du refus d'entendre, et du harcèlement.

Oh la la ! Par ou commencer ? Premièrement, je n'en avais jamais entendu parler. J'ai, dès le début, aimé la page couverture. Je me suis imaginée la personnage comme la fille sur le top du livre et cela me l'a rendu sympathique. 

Le roman a été difficile a lire autant en raison de sa mise en page que par la manière dont il a été écrit. 

Il n'y a que 6 chapitres et ils correspondent aux 6 rencontres que la personnages a avec laitier. Donc les chapitres sont interminables et les paragraphes sont inexistants. J'ai dû suivre avec un signet pour ne pas sauter de lignes. L'écriture ! J'en ai beaucoup a dire. Je vais commencer par la forme et je passerai ensuite au contenu. L'auteure nous place dans une situation X. Et a partir de cette situation, nous partons en spirale vers une autre situation du passé qui nous emmène ensuite vers une autre encore plus loin et qui nous ramène finalement dans le moment présent, le moment X. A plusieurs reprises nous voyageons circulairement dans le temps, de cette manière, et à chaque fois, nous gagnons quelques détails de plus. On sent que les mots sont soigneusement choisis. Au début, on doit s'habituer au fait que les personnages ne portent aucun nom. On parle alors de première sœur, troisième beau-frère, petites sœurs, maman, laitier, vrai laitier, peut-être-petit-ami ... C'est lourd au départ, mais on s'y fait. Jamais le nom d'une ville ou d'un pays n'est mentionné. Si on ne sait pas de quel conflit on parle, on ne sait pas ou on se trouve. On sait seulement qu'on est dans les années 70. 

Ce roman est un roman d'intimidation physique et verbale. C'est lourd, c'est enlisant, on sent la fatalité se tapire juste derrière. Les gens ont peur et sont opportunistes. Personne ne croit personne et tout le monde est sur ses gardes. ''Suis-je comme tout le monde ? Il ne faut surtout pas que je sorte du lot.'' 

Personne n'est qui il dit être et personne n'épouse la personne qu'il aime de peur que cette personne meurt. 

Bref, c'est l'histoire d'une fille de 18 ans, tout a fait ordinaire, qui devient la cible ''amoureuse'' d'un ''chef'' paramilitaire dissident, déjà marié. Il est partout sans y être. Elle est prise au piège et tous les gens de sa connaissance le savent sauf elle. Tout le monde sait qu'elle est a lui, sauf elle. Elle le nie et les gens la traitent de menteuse et d'effrontée. Elle se fait aduler et détester par des gens qu'elle ne connait pas. Elle ne comprend rien de la situation dans laquelle elle est sans s'y être mise. Grâce aux retours en arrière, on comprend pourquoi les gens sont comme ils sont et pourquoi la situation est comme elle est. L'action se passe en tout et pour tout sur environ une semaine, mais nous sommes mis au courant des dix dernières années minimum. 

voici de petites perles.

Pister sans toucher, traquer sans toucher, prendre le pouvoir sur une personne et la contrôler sans que la chair ne rencontre la chair ou que les os ne rencontrent les os. 

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Elle avait apporté des habits et des accessoires appropriés à la personne et à l'occasion, ainsi que ses trois petiots, ses jumeaux de fils et sa fille, laissant son mari à la maison soigner ses plaies de justice sommaire tout seul. 

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Une discussion avancée, faite d'observations au microscope. 

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Dans notre district il pouvait y avoir à présent viol plein, viol aux trois quarts, demi-viol ou quart de viol, ce qui d'après nos renonçants était mieux qu'un viol divisé en deux, comme dans ''viol'' et ''pas viol''. 

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Elle s'était fait empoisonner, jusqu'à finir à l'hôpital et, en vérité, bien au-delà de l'hôpital. Empoisonnée au point que le gros de son corps se trouvait six pieds sous terre. 

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Elle a fait passer le message par l'un des éclaireurs, ces télégrammes vivants, pour prendre langue avec moi. 

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Et j'en passe. Ce roman est riche et l'auteure ne nous prend pas pour des cons. J'ai fini par comprendre aussi que le fait qu'il n'y ait pas de lieux précis, pas de noms de personnages, pas de noms de rues, c'est pour rendre la violence anonyme. Cette violence, elle pourrait être partout. Elle n'a pas de nom, pas d'emplacement précis. Elle est partout et avec tous. 

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Si vous avez envie d'un bon défi littéraire, ce roman est idéal. Malgré tous les efforts que j'ai dû y mettre, j'ai beaucoup aimé ce roman et encore plus avec le recul, lorsque je prend le temps d'y repenser. 

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Si vous l'avez déjà lu, j'aimerais bien en discuter avec vous. 

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Et en passant, c'est le conflit d'Irlande du nord ! 

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